Les cueilleuses de fraises passent à la caisse !

Espagne et Maroc

 

Les fraises d’Espagne dans nos supermarchés

Les cueilleuses de fraises passent à la caisse !

Sud de l’Espagne. Le soir tombe sur Huelva. Souad, Karima et Cristina s’étirent pour soulager leur dos endolori. La journée de travail a commencé tôt et chacune a cueilli plus de 200 kg de fraises, soit le minimum exigé par le producteur. Courbées en deux, elles ont parcouru les rangées de fraisiers pour repousser les feuilles de protection en plastique et récolter les fruits mûrs. Apporter la caissette pleine au point de collecte leur a certes permis de se redresser, mais ce fut aussi une perte de temps.

Le patron les laisse monter sur le pont de sa camionnette et les ramène, contre paiement, à leur logement situé à plusieurs kilomètres de la localité la plus proche. Comme toujours, il ne peut s’empêcher de faire des remarques à caractère sexuel. Par chance, aucune des femmes n’est obligée de voyager seule avec lui.

Marocaines, Souad et Karima ont l’habitude des grandes chaleurs. À Huelva, il a fait très chaud aujourd’hui et elles auraient volontiers pris une douche. Mais il n’y avait pas d’eau dans leur logis : une petite chambre qu’elles partagent avec Cristina, roumaine, et trois autres collègues. Les lits sont alignés côte à côte et l'espace confiné. Quand la cueillette est impossible à cause de la pluie, elles doivent se débrouiller.

Fatiha logeait également avec elles, mais le patron l’a chassée et renvoyée sans salaire au Maroc. Selon lui, elle n’était bonne à rien. Il faut dire qu’elle avait résolument repoussé ses avances. Souad et Karima seraient volontiers retournées au pays avec Fatiha. Mères célibataires, elles ont toutefois besoin du revenu de la cueillette. Elles espèrent donc qu’il fera beau et que le patron versera le salaire garanti par contrat. L’année dernière, nombre d’heures supplémentaires sont restées impayées.

En 2005, Souad, Karima et Cristina ont décrit ces conditions de travail dignes de l’esclavage à une délégation, dont le SOLIFONDS faisait partie. En 2018, des journalistes ont publié sur BuzzFeed un compte rendu pratiquement identique. Constat : en treize ans, rien n’avait changé. Avec l’appui du SOLIFONDS, le syndicat de la main-d’œuvre agricole SOC-SAT a entrepris de s’attaquer au problème. Malgré tous les obstacles, il a lancé une campagne d’information parmi les cueilleuses de fraises, fait pression pour imposer le respect des dispositions légales sur le travail et organise les femmes.

Huit heures de travail éreintant pour 40 euros par jour.

Huit heures de travail éreintant pour 40 euros par jour.